Peinture d’automne de Jénnie Desrutins

Lorsque l’on démarre une activité de thérapeute, on sous-estime la vie qui peut repasser par là. On sous-estime combien la vie peut faire en sorte que tout s’arrête. On ne pense pas que cette activité professionnelle puisse cesser. Cela peut paraître étrange. On pense que cela va durer. Car on y est bien. Car on s’est installé. Car on s’est lancé. Car on a créé son entreprise, sa méthode. Et, puis, et puis….

Et puis, un jour. Tout peut basculer. S’arrêter. Alors, on cesse d’accompagner, car on ne peut plus. Car cela n’est plus possible.

Faire le choix de cesser d’accompagner est une décision difficile.

Je l’ai partiellement prise en août dernier, lorsque j’ai décidé de ne plus accompagner en thérapie psycho-corporelle.

Je décide de la prendre complètement ce jour car j’ai un choix plus important encore à faire : celui de me choisir. Celui de me donner plus de temps encore. De me laisser le temps de digérer encore un peu plus. Et de tourner une page.

Je me souviens avoir croisé dans un parc il n’y a pas si longtemps, la maman d’un enfant que je recevais en séance. Je me souviens de ses mots bienveillants : “bah franchement c’est courageux d’arrêter son activité”. Je me souviens combien ces mots m’ont confortés dans mon choix d’alors.

Mais ce que je sous-estimais était que la vie puisse m’en remettre “une couche” comme on dit parfois. Je sous-estimais que je puisse avoir une réactivation traumatique telle, que même en ayant réaménagé ma façon d’accompagner, même en ayant le soutien de “là-haut”, même en ayant une bonne hygiène de vie, même comme ça et avec tout ça, je ne puisse plus accompagner individuellement. Que je sois en arrêt de travail. En arrêt.

C’est ce choix qui s’est imposé à moi aujourd’hui. Je dois mettre mon énergie dans le plus grand soin pour ma personne, mon bien-être, parce que c’est impératif que je me choisisse (aussi), parce que je sais que je suis capable de soutenir autrement, parce que je suis la locomotive de mon fils et aussi parce que si je ne le fais, alors, tout ce que j’ai créé n’aura aucun sens.

Je remercie sincèrement toutes les personnes qui m’ont fait confiance jusqu’ici. Toutes celles qui sont venues me consulter. Toutes celles qui m’ont recommandée.

Nous nous retrouverons autrement. Avec plus de joie encore. Avec une conscience plus grande que tout est possible et que le meilleur est devant nous.

Merci à Peter Levine et à la Somatic Experiencing de montrer la voie d’un monde apaisé.

Cette règle sociale qui nous pousse tous à nous comporter en “superman” porte en réalité préjudice tant à l’individu qu’à la société concernés. Quand nous voulons continuer notre vie sans tenir compte de la nécessité de transformer nos expériences traumatiques, notre apparente solidité n’est qu’un leurre : les effets du traumatisme s’amplifient, se consolident, se chronicisent et les réponses inachevées, figées dans notre système nerveux, deviennent des bombes à retardement qui un jour se déclencheront. Tant que les humains n’utiliseront pas les outils appropriés et le soutien nécessaire pour désamorcer ces bombes, ils continueront à s’effondrer de manière inexplicable. Le véritable héroïsme consiste à reconnaître ses traumatismes et non à les supprimer ou les dénier.” in Réveiller le Tigre : guérir le traumatisme, de Peter Levine